dimanche 26 février 2017

Bangtan Sonyeondan ou Bildungsmusik.

*les clips ont tous des sous-titres anglais.

BTS,  littéralement "les boy scouts pare-balles" est le groupe masculin de K-pop qui a su s'imposer dans la 3ème générations de la vague hallyu. Pour les amateurs de K-pop, il était impossible de passer à coté de leur mini-album "The Most Beautiful Moment in Life part.1" il y a 2 ans. Ce mini-album cristallise l'essence du groupe et sa dualité comme les deux singles (et donc clips) qui en ont découlé. Alors qu'ils étaient un groupe de garçons parmi une dizaine comme sait en produire l'industrie de la musique coréenne, les garçons se sont toujours démarqués par le paradoxe de l'existence même du groupe entre une volonté artistique, esthétique forte et les impératifs commerciaux inhérents à la K-pop.  Aujourd'hui le groupe prend tranquillement la place d’héritiers du phénomène de la 2nde génération, BIGBANG (qui n'est plus en activité, les membres accomplissent leur service militaire...). BTS est donc un groupe complexe qui a su jouer de ce paradoxe pour briller très rapidement dans une industrie qui évolue extrêmement vite, mais surtout pour proposer des œuvres cohérentes qui vont beaucoup plus loin que le tout venant de la K-pop. Ce-ci expliquerait cela.

A l'origine, BTS est un groupe fondé autour de Rap Monster, J-Hope et Iron après des auditions d'une agence peu connue dans la K-pop, Big Hit. Autour des années 2010, l'agence parvient à saisir des talents underground dans les villes de province pour finalement créer un groupe. BTS existe avec RapMonster et Iron, les jeunes rappeurs sont déjà en activités et produisent de la musique. Mais le groupe tel qu'on le connait ne prend forme qu'en 2012.  Sept garçons, Jungkook (Maknae = plus jeune membre du groupe), Jimin, J-Hope, Suga, Jin, V et RapMonster. Iron quitte le groupe avant les débuts. Big Hit Enternainement n'est pas une agence géante comme c'est le cas de YG (BIGBANG, 2NE1 ou PSY) ou S.M ( Shinwa, SES, EXO, SNSD), les jeunes hommes jouissent donc d'une liberté de création qui façonne leur identité musicale et esthétique. Contrairement à d'autres, les jeunes hommes ont déjà des noms ou de l'expérience dans l'underground (Suga qui vient de Daegu était connu dans la scène rap underground), ils sont donc conscients de "s’être fait acheter". Ils vont donc tenter de s'affirmer comme des artistes à travers le système de l'industrie musicale coréenne, sans faire de concessions dans les thèmes ou les sujets qui leur sont chers. C'est ainsi que BTS entreprend un cheminement artistique qui évoque le Bildungsroman. Ils veulent s'affirmer en tant que groupe, qu'artistes et hommes dans la société coréenne. Ce parcours se dessine d'album en album, de manière volontaire ou hasardeuse, et nous raconte comment sept garçons dans le vent se sont imposés dans une industrie qui après les avoir ignoré tente de les rejeter.

2013. Pour fasciner et exister dès leur début, les garçons qui ont la liberté d'écrire, de composer et de produire leur musique (même s'ils sont toujours plus ou moins chapeautés par des musiciens, producteurs et directeurs artistiques de l'agence) vont directement s'adresser à la jeunesse dans son ensemble, et non pas aux jeunes filles ce qui est pourtant la démarche usuelle pour rentrer dans l'industrie. Mais également aux parents de cette jeunesse. Ils le font à travers une chanson subversive à l'aune de la pop coréenne, No More Dream.



Les garçons sont agressifs, fougueux, insolents, ils en veulent. L'esthétique du clip fait écho à celle du rap américain qui était en plein dans la vulgarisation du mouvement "trap". Ils utilisent cette imagerie pour exprimer une idée de la rébellion et pour faire passer leur message. Il existe une scène rap underground et/ou "gangsta" en Corée du Sud, mais elle n'a pas de telles moyens à l'époque (c'est d'ailleurs l'une des causes de l'existence du groupe...). Le maknae, Jungkook à 15 ans à l'époque. Ils font partie de cette génération qui n'a pas connu le chaos des années 90 en Corée du Sud et la violence des années 80, ils voient donc la société coréenne comme un espace étouffant qui  empêche de rêver et fait s'écrouler les ambitions sous la violence symbolique "d'une vie normale", un peu comme la Corée du cinéaste Yeon Sang-ho. Les paroles montrent qu'ils prennent à revers leur statut naissant d'idol pour justement en rejeter les poncifs, La première phrase de la chanson est significative:
"I wanna big house, big cars & big rings, But 사실은 I dun have any big dreams"

Alors qu'ils sont les rêves vivants des jeunes coréens, BTS renvoie cet image à la jeunesse et lui demande ce qu'elle veut vraiment, et de ne pas se perdre dans les mensonges de la société. C'est osé pour un groupe sortie de nulle part, qui a des impératifs commerciaux, c'est ainsi que la relation entre BTS, le public et les médias coréens va entrer dans une valse d'amour-haine. Cet volonté de briser les codes évoque une influence du groupe, Seo Taiji.


Seo Taiji est une figure mythique de la pop coréenne. A la fin des années 80, il est le fondateur de Seo Taiji and Boys, un groupe qui fait autant de la pop que du métal et qui compte dans ses membres Yang Hyun-suk qui sera le futur fondateur de LA plus grande agence de K-pop, YG. Seo Taiji est également porteur de cette dualité entre pop et subversion. Il dénonce les problèmes et les angoisses de la jeunesse à travers une musique qui s'écoute facilement, et s'attire les foudres des médias dans les années 90. Son style, ses paroles, son attitude creusent le fossé entre les générations. BTS est donc une sorte d'émanation contemporaine de ce que fut Seo Taiji pour les années 90, et ils le revendiquent. L'une des grandes préoccupations de Seo Taiji était l'école coréenne/l'éducation qu'il critiquait ouvertement. BTS fera de même dans le single "N.O" qui introduit leur premier mini-album, le bien nommé "O!RUL8, 2?" (Oh, Are you late too ?).





Les garçons sont toujours dans la fougue, et dans l'agressivité de la jeunesse. Ils dessinent également leur portrait en filigrane, eux qui ont décidé de ne pas aller à l'université, et de pas suivre "le rêve des autres". Tout comme Seo Taiji, ils critiquent ouvertement le système coréen voire son élite à travers le leitmotiv:

"좋은 집 (좋은 집)

좋은 차 (좋은 차)

그런 게 행복일 수 있을까? (있을까)

In Seoul (In Seoul)

To the SKY (to the SKY),

부모님은 정말 행복해질까? (해질까)"


trad: Belle maison. Belle voiture ?

Cela voudrait t-il dire bonheur ?

De Séoul jusqu'au ciel. Les parents seraient-ils heureux ?
Le mot "SKY" joue avec l’acronyme S.K.Y qui désigne les 3 grandes universités de Séoul.
Les paroles sont véhémentes et à charge, le groupe commence à se faire une place mais ils restent ignorer par l'industrie,  parce que trop libres, et trop jeunes pour cette liberté. Ils ne manqueront pas de rendre hommage à Seo Taiji, l'année dernière (2016) lors de leur consécration en reprenant une chanson de la légende qui aborde le même thème.

2014. Le groupe qui veut se démarquer par la qualité de ses productions et leur stakhanovisme sort deux albums. Encore une fois, les deux albums représentent la dualité du groupe. Le premier SKOOL LUV AFFAIR s’inscrit dans un geste de K-pop normal, les garçons chantent ENFIN sur les filles dans leur single. Dans ce mini-album ils content des romances lycéennes, qu'ils ne connaissent pas. Leur principal influence vient du cinéma, des drama, de la littérature et des manga (surtout des deux derniers). Dans leur démarche particulière BTS n'écrit donc pas une chanson d'amour comme les autres, il l'écrit selon son point de vue, celui d'un groupe de garçon enfermé dans les studio et les salles de répèt. Ainsi, Ils parlent de Date et d'une romance qu'ils ne peuvent pas connaitre dans Just One Day. La chanson met en exergue une liberté amoureuse des garçons de leur age qu'ils ont décidé de ne pas avoir pour se consacrer à leur art. La chanson ne parle que de cela "et si..;", "si seulement", "je voudrais"... Ils quittent le rap engagé et véhément pour du R&B délicat.


Cet assagissement et cette sobriété qui épouse le manque réel de la vie de ces jeunes hommes marque le début d'une transformation. Bien sur, le groupe fait un carton maintenant qu'il fait "comme les autres", en mieux. Cependant, en terme de popularite ils sont loin de leur rival, EXO, qui travaille la "fin'amor" depuis leur début. La politique laisse place à l'amour, l'amour aux doutes. La découverte du sexe opposé n'est pas seulement un objet de rêverie douce dans la discographie du groupe, c'est aussi un objet de passion, donc de souffrance et de violence.

La passion qu'est l'amour est également une métaphore de la passion pour la musique. Les garçons jouent souvent sur les deux tableaux pour garder une écriture intime qui selon eux seraient plus authentiques et produiraient une meilleure musique. Je rappelle que contrairement à une bonne partie des groupes, ils ont la possibilité de composer, produire et écrire leur chanson. Cette passion brute, hors des sentiers du système de la K-pop se voit dans leur premier album (entier, et pas mini)  Dark & Wild. Ils se laissent aller à des moments de rap sans filtre pop, aussi bien dans l'ego-trip que dans une poésie du quotidien. BTS embrasse ses deux faces, et les fans également. Ils répondent à Just One Day avec une chanson qui serait bien plus proche de leur vision urbaine et prosaïque de l'amour...Danger.



2015. Leur premier album laissait paraître une sensibilité pour un lyrisme qui serait presque antithétique au rap, mais que la Corée a su intégrer à sa culture hip-hop. Le système coréen n'a jamais accepté la violence frontale du rap, comme ce fut le cas en France ou des rappeurs peuvent provoquer, choquer, dégoûter avec des textes toujours plus transgressifs. Ce n'est pas que cette scène n'existe pas en Corée du Sud, c'est que pendant longtemps elle ne fut pas médiatisé. Les jeunes de BTS en sont conscients et partent donc dans une autre direction, celle de Epik High ou de G-Dragon, celle d'une musique introspective. Les garçons veulent parler d'eux, du monde mais doivent le faire avec subtilité et poésie pour ne pas "disparaître", et surtout pour offrir une musique de qualité.
Les garçons reviennent avec un nouvel mini-album, The Most Beautiful Moment in Life pt.1. Ils l'introduisent avec un le clip du single "I Need U". Meme si la chanson est moyenne pour BTS (car elle est moins écrite que d'habitude pour s'accorder avec leur nouvelle esthétique, sobre), les garçons jouent tout sur le clip qui sera salué jusqu'aux USA. Le visuel prend désormais une très grande importance chez BTS, meme si c'était déjà le cas avant, ils voient désormais l'expression visuel (clip, vêtements, cheveux, teaser...) comme complémentaire à leur musique, et pas simplement illustrative. Le tout accompagnerait une expérience introspective à travers les médias et les sensations. Ils épousent une esthétique "mono no aware" pour conter ce qui rétrospectivement étaient les derniers jours de leur vie de "garçons". Ils ne s’arrêtent pas là, maintenant qu'ils sont sur la pente ascendante, et qu'ils ont toujours l'insolence qui les caractérise, ils se permettent de lancer des piques. Ils attaquent autant des rappeurs underground qui se moquaient d'eux à leur début que des groupes rivaux qui ne comprennent pas leur succès ou les pontes de l'industrie qui continuent à les ignorer (par exemple, le groupe doit partager sa performance aux MAMA 2014 [équivalent plus prestigieux des MTV Awards en Asie ] avec Block B, comme s'il n'était pas assez "bon" pour le solo. Les deux groupes ne manqueront de prendre leur revanche sur l'industrie à travers leur musique). BTS revendique son authenticité et son travail qui  s'avèrent  finalement payant à travers le festif et egotripesque DOPE:

Ces changements dans la vision de BTS ne viennent pas simplement de leur démarche artistique. Durant l'été 2014, ils ont tourné une émission entre téléréalité et documentaire, BTS American Hustle Life. Cette émission montrait leur voyage aux USA, ou ils devaient se confronter aux origines de la musique qu'ils aiment. Ainsi, ils ont pris des cours de chants, de danses etc...avec des artistes afro-américains. En trouvant les origines et le contexte de leur musique, ils se sont finalement trouvés. C'est ce que montre en filigrane cette émission qui n'est pas particulière à BTS. D'autres groupes, notamment de filles, tournent des émissions similaires à l'étranger, mais la dimensions fan service est beaucoup plus présente. Un autre élément montre que le groupe s'émancipe enfin, la sortie de la mixtape du leader du groupe Rap Monster. C'est l'ultime preuve de la liberté singulière du groupe et d'une certaine cohérence. La mixtape simplement nommé RM, précède le mouvement introspectif du groupe. Le jeune rappeur se livre à travers ses titres à la manière d'un Eminem ou plus proche de lui, d'un G-Dragon, qui semble être l'influence.

Bref, le groupe qui profite d'un buzz grâce à "I Need U" peut se permettre de construire une histoire au-delà des chansons. Dans la continuité esthétique de "I Need U", il proposent un espèce de court-métrage contemplatif qui contient des bribes des nouvelles chansons, et surtout apporte une perspective inattendue au clip précédent. Les fans deviennent fou, les théories fusent. Une version avec un plan montrant l'un des membres du groupe tenir une photo ou il n'est plus disparaît (peut-etre trop évident...ou trop glauque pour le public moyen ?). L'histoire serait en fait, celle du suicide d'un des membres du groupe, une autre version dit que c'est l'histoire d'un meurtre...


Les garçons sont conscients de leur statut désormais. Ils assument leur place dans l'industrie, ce sont toujours des outsiders, mais avec une voix qui compte. Ils bercent les fans par un univers doux mais inquiétant. Ils proposent un dernier MV pour conclure l'année qui les a révélé au monde, Run. Le clip confirme le sentiment que tente de faire passer le groupe, les garçons ont toujours parlé d'eux. Ce n'est pas la mort qu'il fuit, mais l'enfance. Ils veulent échapper à cette période de doutes et d'anxiété. Les images parlent et montrent la disparition de ce moment. Les garçons de Bangtan disent adieux à la vie de garçon.


2016. Ils concluent cette période avec la sortie de l'album "The Most Beautiful Moment in life: Young Forever". Les performances de rap, laissent place à un soin pour des ballades d'une douceur mélancolique. L'album est teinté de nostalgie mais annonce un nouveau départ. Ils célèbrent leur succès à travers FIRE, et sont comparés à un groupe légendaire de la première génération, SHINHWA. Ils se projettent doucement dans un futur encore plein de promesses, tout en réfléchissant sur ce qu'ils sont dans Young Forever. Le clip les fait évoluer dans un labyrinthe qui serait la représentation du chaos émotionnel duquel ils doivent s'échapper en tant qu'artistes, que stars et surtout que jeunes hommes. BTS se met à nue, c'est l'apogée de leur esthétique sobre et "mono no aware".

Les jeunes hommes tentent encore de conter leur histoire par l'image. Cette fois, c'est par 7 court-métrages qui correspondent à 7 sujets fondamentaux pour les jeunes hommes. Ils expérimentent encore une fois un nouveau concept dans la K-pop, après leur court-métrage. L'album sera constitué majoritairement d'une chanson par membre avec son propre style. Les jeunes hommes se construisent désormais loin de l'innocence et la naïveté des débuts. Ils doivent voler de leur propres ailes, le concept et l'album sont ainsi baptisés, WINGS.
Les 7 vidéos:

-BEGIN
-LIE
-STIGMA
-FIRST LOVE
-REFLECTION
-MAMA
-AWAKE

Les jeunes hommes ont acquis un fort bagage culturel à travers leur voyage et leur lecture, et se permettent maintenant de faire écho à l'art contemporain ou à un symbolisme occidental . Ils veulent s'inscrire à leur manière dans une tradition artistique qui dépasse la K-pop à travers des gestes esthétiques forts que l'industrie sous-estime, un peu comme Kanye West ou encore une fois G-Dragon. Cette nouvelle démarche s'exprime à travers un clip qui sonne comme un manifeste pour les jeunes hommes. "Blood, Sweat & Tears". La rupture avec le mouvement précédent est évidente, ce sont plus des adolescents, ce sont désormais des hommes.


Les jeunes hommes deviennent mature dans leur paroles. Ils parlent explicitement de  sexualité et de l'érotisme inhérent à leur image en mettant ce désir en perspective dans une représentation baroque. Ils continuent à parler de leur passion avec la musique qui comme avec les femmes passent par le sang, la sueur et les larmes. BTS entreprend un geste baudelairien en explorant la découverte du mal qui accompagne la vie des jeunes hommes.

Ce mal, l'un des membres l'avait déjà exprimé. Suga, un autre rappeur de BTS a sorti une mixtape en Aout 2016, sous le pseudo de August D. Il revenait sur les affronts qu'avaient subi le groupe mais également sur ses problèmes mentaux (tabou dans l'industrie qui a secoué la K-pop a plusieurs reprises durant l'année). Il prend à revers l'image qu'il a dans le groupe pour se purger de la bienséance des idol, les garçons connaissent le succès mais n'ont pas oublié. Son rap est agressif, violent et très véhément, un peu comme celui des rappeurs underground qui connaissent un succès cette année là, et dont Suga faisait partie à ses débuts.


BTS atteint la consécration en remportant plusieurs prix dans les différentes cérémonies et award show de fin d'année. Le groupe est désormais au sommet de la K-pop, meme les rivaux de EXO s'inclinent. Le succès public n'est toujours pas digéré par l'industrie. En effet, à la sortie des "Blood, Sweat & Tears", les chaines de télévisions censurent le groupe ou les music show changent un peu leur règle. Les institutions comprennent que ce n'est pas une coïncidence si les jeunes hommes de Bangtan sont finalement consacrés,  à l'heure ou les Coréens descendent dans la rue pour lutter contre les dites "institutions".

2017. Les jeunes hommes font un retour fracassant. Youtube bug et reboot les vues de leur clip "Sping Day", qui atteignaient des millions de vues en quelques heures. Tout le monde le sait, après BIGBANG, le nouveau phénomène n'est pas celui qu'on croyait. BTS impose sa marque. Les garçons reprennent les élans lyriques de l'album précédent mais ne sont plus dans la nostalgie.  Ils font ouvertement référence à The Ones Who Walk Away from Omelas peut-être pour évoquer leur place dans l'industrie ou leur jeunesse. Alors qu'on croyait les considérations politiques et la hargne des gamins dépassés, c'est en connaissance de cause qu'ils appellent aujourd'hui au changement. Après tout, les fans officiels de BTS sont appelés ARMY. Les plateformes de streaming changent leur règles à la sortie des nouveaux singles, mais n’empêchent pas le  Ultimate "All Kill"(situation ou le single d'un artiste se retrouve #1 des 7 principales plateformes de streaming coréen, le cas exceptionnel de BTS fait que ce n'est pas le simple single qui occupait les charts, mais les 11 chansons de l'album.). Malgré leur statut de "outsiders", les jeunes hommes ne pensent pas s’arrêter là, en tout cas, not today.


Et aussi j'aime bien les covers du groupe par Skyswirl.








vendredi 24 février 2017

Visual Kei et dérivés: Confession des masques

De prime abord, le Visual Kei c'est un rock sirupeux fait par une bande de types qui ressemblent à des filles qui semblent habillées comme des garçons ou l'inverse. Inquiétante étrangeté. Mais c'est un petit peu plus complexe que ça. En fait, c'est surtout le résultat inopiné de divers influences. Le Visual Kei et les styles dérivées sont un mélange de plusieurs choses: attitudes tirées du Hagakure, Théâtre Kabuki, Glam Rock, Post-punk, Littérature gothique, Imaginaire du Heavy Metal et du Black Metal,  Folkore Japonais (aussi bien les contes que les légendes urbaines) et une Europe du 18-19ème siècle fantasmée (surtout La France et l'Allemagne). On pourrait caricaturer en disant que l'influence occidentale explique la musique et les vêtements, et l'influence japonaise la structure du mouvement (l'absence de femmes, les paroles, l'attitude...). Mais c'est toujours plus complexe, et les ponts qu'a crée le VK entre les cultures et les images ne permettent plus de dissocier les cultures.  Le Visual Kei propose une expérience ou l'esthétique est prédominante. Le sens importe peu, il est surtout question de sensations, voire de simples impressions. Littéralement Visual Kei signifie "style visuel".

Je suis le mouvement depuis plus d'une dizaine d'années, j'ai grandi avec. Ca commence avec les openings d'anime puis on y prend gout. Bref, contrairement à mon expérience avec le monde des idol, j'ai eu la diligence d'écouter les groupes dans l'ordre chronologique avant de choisir mes groupes ou périodes préférées. Aujourd'hui, je ne suis plus que deux groupes. Peu importe, à l'origine, il y a X-Japan:

X-Japan est le groupe visual originel. Ils ont imposé l'exubérance et le romantisme exacerbé qui sera la base du mouvement. Leur succès est tel qu'ils sont connus à travers l'Asie puis le monde. Un peu comme Gun'N'Roses, ils ont un succès populaire à travers des ballades et des slows mais gardent quand même une image "agressive", et délétère. Ils fondent la première génération du Visual Kei, mais portent toujours la singularité des pionniers. Ils sont tellement étrange qu'ils font appel à un maître en la matière pour réaliser un de leur projet. David Lynch réalise un clip (qui n'a jamais été diffusée) pour le groupe et une publicité:

Deux autres groupes marquent la première génération. Luna Sea et Buck-Tick. Le premier est dans le sillage de X-Japan avec un gout pour l'onirisme et l'harmonie beaucoup plus marquée. Comme X-Japan ils oscillent entre une mélancolie proche de la scène Batcave et des morceaux plus sirupeux qui évoquent Scorpion. Le second m'a vraiment intéressé et j'y replonge souvent.

Buck-Tick offre l'autre facette du Visual Kei, la facette dominante. L'onirisme coloré, laisse place à une introspection baroque qui fait écho à Bauhaus ou The Sisters of Mercy. Le caractère androgyne qui sera l'étendard du mouvement prend forme et l'esthétique cauchemardesque aussi. Buck-Tick ouvre les années 90 à la seconde génération avec un single bien nommé "Aku no Hana" (Les fleurs du Mal).

Il y a deux groupes qui ont marqué la seconde génération dans mon cheminement. D'abord, il y a Malice Mizer. C'est le descendant direct de X-Japan et Luna Sea. Ils vont épouser le romantisme de ces groupes, et retourner aux origines de ce dernier. Leur gout pour l'Europe définit leur musique et leur style. Ils s'habillent comme l'aristocratie du XVIIIème siècle, font des clips qui s'inspirent du gothique anglais et du romantisme puis de expressionnisme allemand, et des shooting pour les magazines avec des tenues militaires de l'ère Showa. Malice Mizer ancre également le style androgyne comme une norme du Visual Kei. Mana, le leader cristallise les thèmes et les obsessions du mouvement, on ne peut d'ailleurs pas discerner si c'est un homme ou une femme.  Malice Mizer va explorer les extrêmes des esthétiques qu'il convoque jusqu'à en épouser le kitsch ou le mauvais gout. Ils vont jusqu'à l'Ero-guro ou au Kinbaku, ce qui popularise un sous-genre, Angura Kei. Le groupe va également révéler Gackt, qui est aujourd'hui une icone rock  à l'aura vampirique.
Gackt simulant un hara-kiri en tenue militaire.

Kozi qui semble sortir d'une planche de Maruo.

Mana en mode Kinbaku

Malice Mizer reste le modèle de subversion esthétique que beaucoup de nouveaux groupes rêvent d’être. Il suffit de voir les groupes actuels pour constater que la figure de Mana reste un horizon indépassable, souvent imitée...bêtement imitée. Et celui-ci est d'ailleurs à la tete d'un autre groupe, Moi Dix Mois, est une sorte d'ego-trip ou Mana explore les facettes de son monde de princesse des ténèbres. Comme si Danny Elfman et Goblin faisaient la musique d'une adaptation de Lewis Caroll par Pierre et Gilles, c'est pas forcément une bonne idée. Bref, pour en finir avec Malice Mizer, ils ont également fait un film qui est une somme de clips. Je crois qu'on y raconte la mort d'une jeune femme dans un manoir puis il y a des histoires de vampires et de fantômes. Malice Mizer a influencé l'ensemble de la pop culture japonaise voire de la pop culture mondiale car le style singulier du groupe n'a pas laissé d'autres créateurs indifférents. Tetsuya Nomura a la vingtaine dans les années 90, A l'instar du groupe dont il est fan, et surtout de son chanteur Gackt, il marque la décennie de son style particulier dans le légendaire Final Fantasy VII. Alors qu'une autre star du Jeu Vidéo, Hideo Kojima, révèle son gout pour la pop culture occidentale et Joy Division, Tetsuya Nomura va accompagner cet onirisme du chaos qui est propre au Japon et va le transmettre dans ces jeux. Le personnage de Sephiroth semble sortir d'un clip de Malice Mizer, et son design fait écho à des tenues du groupe en live. D'ailleurs la fameuse scène ou il descend du ciel qui revient souvent dans l'imagerie propre à FF VII pourrait être inspirée par ce live:


Tetsuya Nomura rend hommage à Gackt en modélisant un personnage à partir de son visage, Génésis, l'antagoniste de Final Fantasy VII: Crisis Core. Le personnage porte également le caractère mélancolique et baroque de l'original. Génésis est à l'origine des événements de FF VII, la boucle est encore une fois, bouclée.

L'autre groupe mythique de la seconde génération est Kuroyume. Ils rompent avec la grandiloquence du mouvement pour mettre en évidence l'érotisme et un spleen désabusé des années 90. C'est un peu la réponse Visual Kei au grunge ou à la britpop. Il y a quand même quelque liens entre Kuroyume et Buck-Tick, comme le gout pour une étrange sobriété, pour une épure dans leur geste aussi bien musicale que visuel. Kuroyume n'est pas à l'opposé de Malice Mizer mais un fossé sépare les deux groupes. Kuroyume est ancrée dans la réalité japonaise, et en propose une vision éthérée voire évanescente. Le groupe repose sur le charisme de son chanteur, Kiyoharu. Ce dernier est une entité lascive qui peut faire penser à Iggy Pop dans une moindre mesure. Le groupe met en scène une espèce de relation homoérotique entre Kiyoharu et le bassiste HITOKI (idée qui sera reprise par les groupes de la 3ème génération qui pousseront alors le fan service très loin dans ce genre de représentation qui évoque le Shudo...).Meme s'il y a peut-etre une véritable relation entre les deux hommes, Kuroyume pose les bases en ce sens du Visual Kei contemporain. Leur influence est telle qu'un album cover en hommage au groupe sort en 2011, FUCK THE BORDERLINE, on y compte aussi bien des grands groupes de la 3ème génération (The Gazette, SID...) que des groupes de rocks "conventionnels" célèbres au Japon (Plastic Tree, Abingdon Boys School...). Kuroyume à la particularité d’être autant un groupe de rock indé/métal qu'un groupe de Visual Kei, et cela à tous les niveaux. Ils préfigurent Dir En Grey.
Kuroyume c'est ça:


Mais également ça:


Certes, il y avait Glay, l'Arc-en-Ciel, et puis les artistes solos. Mais ils ne m'ont pas spécialement marqué. Kuroyume se séparent, ils forment SADS, puis ils font un comeback en 2014. Le groupe a popularisé une version urbaine du Visual Kei, moins fantaisiste. Ils ont aussi abordé des thèmes plus prosaiques, la drogue, la solitude, la désillusion...Des thèmes plus contemporains. Le groupe ne vendait pas un spleen fabuleux, mais catalysait les maux de leur temps. Le Visual Kei a le vent en poupe à la fin des années 90 et au début des années 2000. Gackt et Hyde (leader du groupe l'Arc-en Ciel) sont à l'affiche d'un film sur mesure, Moon Child de Takahisa Zeze.


Le film est un objet bizarre qui évoque Matrix, Blade, Entretien avec un vampire et Dead or Alive II. On suit une romance vampirique entre deux hommes (de l'enfance à la mort) qui dirigent un empire mafieux mais qui se retrouvent ennemis à cause de leur condition vampirique. Fan Serivce à foison, expérimentation numérique et j'en passe, Moon Child reste un objet intriguant. Le cinéma sert de pont entre la 2nd et la 3ème génération. Du moins, les groupes qui l'expriment le mieux sont liés au cinéma pour ma part. Dir En Grey et The Gazette.

Dir En Grey est un condensé du chaos inhérent au mouvement. Alors que les autres groupes exploraient des tendances ou tentaient de voguer dans un onirisme divertissant, Dir En Grey embrasse l'enfer. Le groupe veut exprimer les travers et les malaises profonds de la société japonaise, de l'avortement aux hikkikomori en passant par les tueurs en séries. L'esthétique infernale caractérise le groupe. Un peu comme dans le film de Nakagawa, le groupe ne cesse de donner des visions différentes de l'enfer sur terre. Ils s'inspirent également du renouveau du cinéma d'horreur japonais dans le V-cinéma, pas vraiment de la J-horror, mais plus de Guinea Pig, d'un courant plus extrême. Ou bien des films de Miike ou Hisayasu Sato. Ils travaillent un gout pour le lugubre, le glauque et le morbide ne laissant très peu de places à l'érotisme ou à la rêverie.En 2003, ils sortent un clip mythique, Obscure. La légende dit que  Takashi Miike est l'homme derrière le clip.


Au-delà du grotesque et de l'horreur le groupe se place sur l’échiquier politique à l'instar des groupes de Angura Kei, c'est une chanson anti-avortement. Ce sous-genre est réputé pour contenir des groupes réactionnaires ou anti-occident. Dir En Grey joue avec ce flou qui lui permet de justifier ses outrances. Meme si le groupe est aujourd'hui chez Sony, la forte direction artistique et politique qu'impose le leader Kyo, laisse planer le doute. Ainsi l'esthétique de Dir En Grey n'est pas innocente comme c'est le cas pour les générations précédentes, le groupe inscrit son style dans une vision très contemporaine du Japon. Il est une voix de la souffrance moderne et le revendique aujourd’hui plus que jamais. Leur musique est donc plus agressive, plus proche du hardcore ou du métal que des mélodies sucrées d'il y a 20 ans.



J'ai beaucoup écouté Dir En Grey (l'album Uroboros est un monument du VK), néanmoins le groupe qui exprime le mieux le VK contemporain et la 3ème génération est The Gazette. Le groupe fait l'exploit d'allier la fantaisie des débuts dans des proportions raisonnables tout en jouant sur le raffinement qu'avait apporté Kuroyume (qui est leur principal influence). Ils explorent différents styles sans en montrer l'absurdité ou tomber dans le kitsch. Comme pour Dir En Grey, le groupe est porté sur une description cathartique du malaise de la société japonaise, Modern Life is Rubbish comme diraient les anglais. The Gazette jouent avec les influences dans des gestes maniéristes captivants. Et contrairement à Dir en Grey, ils assument l'androgynie intrinsèque au VK et surtout l'érotisme dérangeant.

Ils tentent l'esthétique J-horror et Cyberpunk en vogue à leur début (ils intègrent même le cri de Kayako en filigrane) :


Puis vont revenir au romantisme sombre en signant une chanson pour le film APT du coréen Ahn Byeong-ki:


Faire une performance mythique pour conter l'histoire du meurtre et des souffrances de Junko Furuta avec leur chanson Taion:


Et surtout retourner au glam:


The Gazette est le groupe qui sait le mieux jongler avec l’éclectisme du mouvement. Ils apportent leur touche en ajoutant la musique électronique ou en introduisant le rap dans le Visual Kei. The Gazette s'avère être encore aujourd'hui, 15 ans après leur début, le meilleur groupe de sa génération voir l"un des meilleurs du mouvement. La longévité du groupe n'est pas un hasard, elle correspond également au début de l’intérêt des occidentaux grâce à internet à ce mouvement. Le Visual Kei est donc assez fédérateur dans le sens ou il propose des expériences purement esthétiques dont l’accessibilité est universel. Meme si les groupes ont cherché du sens, comme Dir En Grey à travers des prises de positions ou meme The Gazette qui a fait des chansons pour un Japon "pacifique", l'onirisme ou le chaos symbolique ne quitte jamais vraiment le mouvement, il s'ancre juste dans un zeitgeist qui n'est pas très joyeux. Les groupes de la 4ème génération peine à percer puisque les gyaru (groupies) se désintéressent vite des groupes qui n'ont qu'un succès temporaire sur Internet.

Mais le VK n'est pas mort. Un groupe a attiré mon attention malgré tout. AvelCain est un groupe des années 2010, qui m'a intrigué avec un court-métrage/clip estampillé J-horror. Le leader du groupe, Karma se met souvent en scène avec des poupées. Le groupe quitte également les zones urbaines ou le gothique occidental pour réinvestir le folklore japonais en allant dans les forets ou justement en mettant en avant les poupées japonaises (qui portent toute une mythologie). Le renouveau du VK serait ironiquement, "un retour au source", alors que le mouvement a toujours brouillé les pistes. En attendant une nouvelle génération...




I-dolls - Part I.

"On dirait des poupées" est la réaction la plus commune que j'ai entendu devant le phénomène des idols aussi bien japonaises que coréennes. Des poupées, certes. Il serait facile de savoir qui "joue" avec. Une fois que l'indignation occidentale inhérente à une telle exubérance pop est passée, pour certains elles ne passent jamais, on peut apprécier les dites poupées. Après tout, ce sont des marqueurs d'une époque, les poupées représentent une esthétique de la jeune femme selon son époque. Les idol sont  en cela des poupées, peut-être pas de cire, mais bien de son. Elles sont aussi bien le miroir des modes de leur temps que de sa musique. Des témoins esthétiques de leur époque, ou quelque chose comme ça.

Bref, mon premier contact avec le monde des idol doit être autour de 2007-2008. Je devais errer sur youtube en cherchant un groupe de Visual Kei qui ferait la même musique que les autres, en mieux. Ou osciller entre Nolife et une autre chaîne qui ferait la même chose, en mieux. Dans les deux cas, la quête était vaine. Ainsi, je suis tombé sur un clip de Morning Musume. Seul le nom m'avait marqué. Une année plus tard, je tombais sur un autre clip dont je me souviens car je n'avais pas grand chose à faire durant l'été.

Je me rappelle des couleurs et des formes, mais pas de la musique. Ce qui est assez ennuyeux pour de la pop, je retournais donc chercher des groupes de VK qui n'existent pas.

Puis un jour, je ne sais comment, je tombais sur AKB48 à travers ce qui devait etre leur nouveau MV. Heavy Rotation. Dès lors, je savais que Heavy Rotation était the real thing, comme on dit. Bien sur, je savais que de passer du Metal (celui qui consiste à vénérer 3 ou 4 groupes des années 80...) au VK puis à la J-pop était un exercice d'acrobatie esthétique trop complexe, même pour moi. Je décidais d'ignorer l'appel des idol. Mais, il y a quelques années, on me confronta à l'objet qui devait réconcilier le monde de la musique, du moins brouiller les frontières entre les barbues et les petites filles.

C'était donc la fin de l'ère de la j-pop shame ou condescendante "japoniaiserie" parce que Kerrang et d'autres trucs très prestigieux dans le monde du headbang disaient que Babymetal, c'était le bien. Et parce que Babymetal, c'était effectivement le bien. Je me plongeais donc dans le monde des idol qui ressemblait fortement à celui du Visual Kei, eh oui, la vie est bien faite. Surtout au Japon, du moins dans son industrie de la musique. Je découvrais que Babymetal était à l'origine un sous-groupe du groupe d'idols, Sakura Gakuin. SG avait comme particularité d'avoir les membres les plus jeunes du monde des Idol japonaises. Je regardais donc des émissions sur youtube, car on a beaucoup de temps libre quand on a peu d'heures de sommeil. Les jeunes filles faisaient des quiz qui étaient mis en scène de A à Z, parodiaient des drama, ou allaient visiter des studios de musique. Tout un programme. Vers 16 - 17 ans, elles doivent quitter le groupe, terrible vieillesse. Ce départ  provoque une cérémonie de "graduation" très émouvante. Le terme "graduation" est celui qu'on utilise lorsqu'une fille quitte un groupe dans le monde des idol, ici, le sens est également scolaire. Les filles quittent le groupe à la fin du lycée. A l'époque ou Nakamoto Suzuka quitte le groupe, on lui a fait une jolie chanson.



Malheureusement pour elle, Babymetal est un succès à l'international. Elle est doit donc rester membre de Babymetal. En même temps son rêve était de devenir chanteuse comme elle le répétait à qui veut l'entendre dans les émissions de SG. Elle a fait même fait partie du  groupe proto-SG, Karen's Girls avec Muto Ayami (autre grande figure de la première génération de SG...). On peut même retrouver des vidéos d'auditions antérieurs avec des proto-groupes, ou avec sa soeur qui est également Idol. Elles sont dans le milieu depuis qu'elles savent lire. Il y a donc une dimension de dévotion à ce monde du spectacle. Les idol seraient un peu comme des prêtresses shinto modernes de petits villages comme le décrit Your Name. Elles ont une vie d'étudiante, de jeunes filles ordinaires mais doivent accompagner et mener des cérémonies quand il le faut. C'est peut-être l'origine des idol contemporaine à l'aune de leur déification par les otaku dans les années 90 (comme le montre Beineix dans son doc, somme toute un peu glauque...).

Alors que j'explorais les live de Babymetal, je tombais sur une chanson qui ne faisait pas partie du répertoire du groupe, ni de SG (oui, j'ai tout écouté !). C'était une reprise du groupe SPEED. Dès lors, j'apprenais que SPEED était un groupe légendaire dans la mythologie Idol, une sorte de Destiny Child  japonais. J'écoutais les albums, pas si mauvais mais pas si bon. Justement, White Love sortait du lot. Sinon elles étaient tellement célèbre que le "fou filmant" avait même été chargé de faire un film avec, Andromedia. Takahisa Zeze faisait les leader de VK, Miike les idol, chacun son délire.

Dans le même temps, je découvrais que la J-pop était un petit monde aussi étroit que le PAF. Kawase Tomoko composait et écrivait des chansons de Sakura Gakuin. J'aimais son groupe de pop des années 90s, The Brilliant Green, et son dédoublement de personnalité avec le projet TommyHeavenly6/TommyFebruary6. J'aimais un peu moins ses chansons pour SG, mais c'était sympa. Murakami Haruki racontait dans une interview à un journal français que la musique japonaise montrait que le pays était toujours renfermé. Je pensais que ce genre de déclaration était assez "poseur". Mais, il est Japonais et surtout écrivain, je découvrais sans réelle surprise qu'il avait raison. Un autre groupe commençait à faire parler de lui, Dempagumi.inc.  Après avoir écumé les salles en sueurs de otaku à Akihabara, les filles dempa se faisaient connaitre avec un hit.

Contrairement à SG ou à AKB, les filles de Dempagumi et leur esthétique 3.0 visait un public qui était inhérent à leur existence puisqu'il s'inscrit dans le nom du groupe, les denpa. En gros ce sont des otaku qui expliqueraient leur condition par une logique ou des comportements qui n'appartiendraient qu'à eux, avec un peu de new age pour faire passer le tout. Les Otaku des 2010s. Un peu comme les personnages de Gainax sous acides. Le groupe révèle un peu la même tristesse ou solitude "post-quelquechose" qui nourrit les chansons de Urbangarde ou de Kyary Pamyu Pamyu. Mais l’intérêt de Dempagumi, c'est surtout le single qu'elles ont partagé avec un autre groupe qui pour le coup a également bouleversé le petit monde des idol au point de disparaître dans son geste. Brand-new Idol Society aka BiS.

BiS était un groupe de jeunes femmes qui avaient déjà une expérience dans le monde du spectacle ou dans l'underground. Elles étaient DJ, modèles, danseuses, blogueuses...Elles commençaient le groupe au moment ou le tout venant des idol prenait une autre voie, vers le milieu de la vingtaine ou un peu moins. BiS existait comme une provocation, une alternative, une satire du monde des idol. Elles allaient au bout des fantasmes ou des mouvements que les autres groupes ne faisaient qu’effleurer pour respecter un code tacite de bienséance des idol. Au niveau musicale, elles ont tout essayé, du métal en passant par le shoegaze ou le noise. Elles faisaient leur carrière sur les tabous et les extrêmes de l'industrie pour en révéler la misogynie ou l'absurdité, voire simplement s'en moquer. Il y avait une énergie punk dans BiS. Il suffit de voir leur live, le fait qu'elles se fichent de chanter juste et de suivre une chorégraphie ou comment elles pouvaient virer les fans qui montaient sur scène à coup de pieds. Elles choquaient en déjouant les codes du porno dans leur clip "Die". Elles faisaient crucifier dans "Idol". Ou osaient se montrer en sang, en larmes, et en sueur dans "Bisimulation". Elles ont même fait un film pour aller au bout de la démarche, entre Sion Sono et Yamashita Nobuhiro. Idol is dead !

Puis elles se sont séparées en 2014. Certes, des membres ont crée un nouveau groupe, Billie Idle. La leader, Pour Lui, a continué une carrière solo, et tente même de réanimer le groupe pour lutter contre les ersatz. Tentenko qui était la touche kawaii mène également une carrière de DJ, et de musicienne en solo. J'ai donc dérivé dans le monde des idol post-babymetal. C'était pas la joie. J'ai découvert des choses comme les filles de PassCode qui surfaient tranquillement sur le "kawaii métal". Ou des trucs extrêmement insipides et sans scrupules. Enfin, des Babymetal en moins bien quoi.


Un jour d'errance sur youtube (oui j'ai beaucoup de temps libre...), je tombais sur une publicité de Gravity Rush.

Bien sur comme un être humain normal, je me fichais complètement de la PS Vita. Ça fait bien longtemps que c'était déjà un échec. Et meme si Gravity Rush paraissait cool, le véritable intérêt était Hayami Akari. Qui était-elle ? pourquoi jouait-elle à une console merdique ? Youtube mis fin à mes interrogations très vite en me suggérant une vidéo de Momoiro Clover. C'est un groupe d'idol qui a pour thème le sentai, il faut de tout pour faire un monden donc des idol sentai. Hayami Akari faisait partie du groupe jusqu'à ce qu'elle le quitte au début des 2010s, elle était trop bien pour ça. On le sait tous. Néanmoins, le groupe m'a diverti pendant quelques temps. D'ailleurs après le départ de Hayami Akari, le groupe s'était renommé, Momoiro Clover Z. Un peu comme Mazinger...ou Dragon Ball. Bref, la verte chante  bien. Véridique, j'ai vu un live...

Mais elles sont aussi tombées dans le "kawaii métal", avec l'aide de KISS. Oui, les vrais.  Il faut vraiment de tout. Le studio Trigger se charge du clip. Dream team.


Puis je continue à dériver, je tombe sur un clip du récent Necronomidol, de Fudanjuku  ou des groupes de "provinces". C'était sympa. Dans la foulé je télécharge, l'album de Fruitpochette comme une bonne victime de la mode que je suis. Bien sur, je me rends compte de l'erreur une semaine plus tard, mais c'est trop tard. Et puis c'est easy-listening, comme on dit.

Maintenant que Babymetal est passé dans Tracks et qu'elles font des featuring avec Judas Priest, plus personne n'a peur de rien. Les concepts idol pleuvent.  Les otaku occidentaux que l'internet des 2010s a renommé péjorativement weeaboo ou weeb pour les gens cools font du bruit pour un simili Babymetal mais avec un barbu australien à la place de Suzuka...C'est Ladybaby, la boucle est bouclée.


Aujourd'hui, Ladybaby ne compte plus que ses membres féminins. Dont l'énigmatique Rei Kuromiya.

finalement, AKB c'est pas mal. C'est même très bien. J'ai arrêté de suivre les groupes d'idol japonaises.De toute façon, ce n'est pas la poupée le problème, c'est l'époque qu'elle représente. Mais il n'y a pas que des groupes et pas que des idol japonaises !